martes, 7 de abril de 2009

Paul Valéry y Gutiérrez Hermosillo


Alfonso Gutiérrez Hermosillo, poeta y traductor, nos ha dejado esta versión de Le cimetière marin de Paul Valéry.


Le cimetière marin

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux!

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d'imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir!
Quand sur l'abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d'une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,
Masse de calme, et visible réserve,
Eau sourcilleuse, Oeil qui gardes en toi
Tant de sommeil sous une voile de flamme,
O mon silence! . . . Édifice dans l'âme,
Mais comble d'or aux mille tuiles, Toit!

Temple du Temps, qu'un seul soupir résume,
À ce point pur je monte et m'accoutume,
Tout entouré de mon regard marin;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l'altitude un dédain souverain.

Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt,
Je hume ici ma future fumée,
Et le ciel chante à l'âme consumée
Le changement des rives en rumeur.

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!
Après tant d'orgueil, après tant d'étrange
Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
Je m'abandonne à ce brillant espace,
Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m'apprivoise à son frêle mouvoir.

L'âme exposée aux torches du solstice,
Je te soutiens, admirable justice
De la lumière aux armes sans pitié!
Je te tends pure à ta place première,
Regarde-toi! . . . Mais rendre la lumière
Suppose d'ombre une morne moitié.

O pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
Auprès d'un coeur, aux sources du poème,
Entre le vide et l'événement pur,
J'attends l'écho de ma grandeur interne,
Amère, sombre, et sonore citerne,
Sonnant dans l'âme un creux toujours futur!

Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l'attire à cette terre osseuse?
Une étincelle y pense à mes absents.

Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!

Chienne splendide, écarte l'idolâtre!
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux!

Ici venu, l'avenir est paresse.
L'insecte net gratte la sécheresse;
Tout est brûlé, défait, reçu dans l'air
A je ne sais quelle sévère essence . . .
La vie est vaste, étant ivre d'absence,
Et l'amertume est douce, et l'esprit clair.

Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
Midi là-haut, Midi sans mouvement
En soi se pense et convient à soi-même
Tête complète et parfait diadème,
Je suis en toi le secret changement.

Tu n'as que moi pour contenir tes craintes!
Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes
Sont le défaut de ton grand diamant! . . .
Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,
Un peuple vague aux racines des arbres
A pris déjà ton parti lentement.

Ils ont fondu dans une absence épaisse,
L'argile rouge a bu la blanche espèce,
Le don de vivre a passé dans les fleurs!
Où sont des morts les phrases familières,
L'art personnel, les âmes singulières?
La larve file où se formaient les pleurs.

Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu!

Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge
Qu'aux yeux de chair l'onde et l'or font ici?
Chanterez-vous quand serez vaporeuse?
Allez! Tout fuit! Ma présence est poreuse,
La sainte impatience meurt aussi!

Maigre immortalité noire et dorée,
Consolatrice affreusement laurée,
Qui de la mort fais un sein maternel,
Le beau mensonge et la pieuse ruse!
Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
Ce crâne vide et ce rire éternel!

Pères profonds, têtes inhabitées,
Qui sous le poids de tant de pelletées,
Êtes la terre et confondez nos pas,
Le vrai rongeur, le ver irréfutable
N'est point pour vous qui dormez sous la table,
Il vit de vie, il ne me quitte pas!

Amour, peut-être, ou de moi-même haine?
Sa dent secrète est de moi si prochaine
Que tous les noms lui peuvent convenir!
Qu'importe! Il voit, il veut, il songe, il touche!
Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,
À ce vivant je vis d'appartenir!

Zénon! Cruel Zénon! Zénon d'Êlée!
M'as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas!
Le son m'enfante et la flèche me tue!
Ah! le soleil . . . Quelle ombre de tortue
Pour l'âme, Achille immobile à grands pas!

Non, non! . . . Debout! Dans l'ère successive!
Brisez, mon corps, cette forme pensive!
Buvez, mon sein, la naissance du vent!
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme . . . O puissance salée!
Courons à l'onde en rejaillir vivant.

Oui! grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée,
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l'étincelante queue
Dans un tumulte au silence pareil

Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre!
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs!


El cementerio marino

Este techo tranquilo -campo de palomas-palpita
entre los pinos y las tumbas.
El meridiano sol hace de fuego
el mar, el mar que siempre está empezando . . .
¡Es recompensa para el pensamiento
una larga mirada a la paz de los dioses!

¡Qué pura luz en su esplendor consume
tantos diamantes de impalpable espuma
y qué paz entonces se concibe!
Cuando sobre este abismo un sol reposa
-trabajo puro de una eterna causa-refulge
el tiempo y soñar es saber.

Firme tesoro y templo de Minerva,
mole grandiosa y visual reserva,
agua siempre encrespada, ojo que ocultas
con un velo de llama tanto sueño.
¡Oh, mi silencio! Edificio del alma
pero cubierto con mil tejas de oro.

¡Templo del tiempo que un suspiro asume!
Yo subo a su pureza y acostumbro
mi marina mirada al rodearme.
Como a los dioses en mejor ofrenda
dejo que el agua rutile sembrado
un desdén soberano en las alturas.

Como la fruta se deshace en goce
y su ausencia en delicia se convierte
mientras muere su forma en una boca,
mi futura humareda aquí respiro,
y el cielo canta al alma consumida
el cambio de la orilla y del rumor.

¡Mírame tan mudable, bello cielo!
Después de tal orgullo y tanto extraño
ocio, pero que guarda su poder,
al espacio brillante me abandono:
en casa de los muertos va mi sombra
que me unce a su leve movimiento.

A teas de solsticio el alma expuesta
yo te sostengo, admirable justicia
de la luz, la de armas sin piedad,
yo te vuelvo pura a tu solio primero.
Mírate. Pero . . . ¡Devolver las luces
supone una mitad de árida sombra!

Para mí solo, a mí solo, en mí mismo
cerca de un corazón ---fuente del verso---
entre el suceso puro y vacío
de mi grandeza interna espero el eco:
hosca cisterna amarga en que resuena
siempre en futuro, un hueco sobre el alma.

Sabes, falso cautivo del follaje,
Golfo devorador de sus débiles rejas,
-secreto deslumbrante a mis sentidos-el
cuerpo que me arrastra a su fin perezoso,
¿qué frente, tierra ósea, aquí me trae?
Una centella piensa en mis ausentes.

Me gusta este lugar -reino de antorchas-de
otros y piedras y árboles umbríos,
ofrecido a la luz, cazo terrestre,
fuego cerrado, sacro y sin materia,
trémulo mármol bajo tantas sombras
donde el mar fiel entre mis tumbas duerme.

Mastín magnifico, aparta al idólatra.
Si con sonrisa de pastor y solo
apaciento corderos misteriosos
-el rebaño tranquilo de mis tumbas-haz
que ausenten las cautas palomas,
los sueños vanos, los curiosos ángeles.

Aquí llegado, el porvenir es lento.
Nítido insecto araña sequedades.
Deshecho todo, el aire lo recibe
sin saber en qué esencia es contenido.
La vida es vasta en su ebriedad de ausencia
y la amargura es dulce, y claro el ánimo.

Los muertos están bien bajo la tierra,
que calienta y enjuta su misterio.
Y arriba, sin moverse, el sol exacto
en sí mismo se piensa y se conviene . . .
Testa cabal y perfecta corona,
en ti soy la mutación secreta.

Nada más yo contengo tus temores.
¡Mi contrición, mis dudas mis aprietos,
son el defecto de tu gran diamante!
De mármoles pesados en su noche,
un pueblo vaga entre raíces de árboles
deseándote a ti que fulges siempre.

Allí fundidos a una ausencia espesa,
la roja arcilla se debió la esencia
y ha pasado a la vida de las flores.
¡Dónde estarán las frases familiares,
el arte personal, las almas únicas?
Donde se forma el llanto larvas hilan.

Los gritos de muchachas cosquillosas,
los dientes y los párpados mojados,
el seno encantador que juega el fuego,
sangre que brilla en los labios rendidos,
los últimos dones, manos que los vedan,
¡bajo tierra va todo y entra en juego!

¡Y aún esperas un sueño, alma, tan grande,
que no tenga el color de la mentira
como mis ojos son la onda y el oro?
¿Cantarás cuando seas vaporosa?
¡Todo huye! Porosa es mi presencia
y la santa impaciencia también muere.

Flaca inmortalidad dorada y negra,
consoladora de triste laurel
que en seno maternal cambias la muerte:
¡bella mentira y astucia piadosa!
¡Quién, sabiéndolo, no huye de ese cráneo
vacío, de esa risa sempiterna!

Hondos padres, deshabitadas testas,
que sois la tierra y confundís los pasos
bajo el peso de tantas paletadas,
el roedor, el gusano que aterra
no es para vosotros los durmientes,
¡porque vive de vida y no me deja!

¿Será el amor o el odio de mí mismo?
Siento tan cerca su secreto diente
que puede convenirle todo nombre.
¡Qué importa! Mira, quiere, sueña, toca,
gusta mi carne y -si dormido- aún
a su vida mi vida pertenece!

¡Zenón, cruel Zenón, Zenón de Elea!
¡Me has traspasado con la flecha alada
que vibra y vuela, pero nunca vuela!
El son me engendra y la flecha me mata.
¡Oh, sol! ¡Qué sombra de tortuga para
el Aquiles del alma, raudo y quieto!

¡No, no! ¡De pie! ¡La era sucesiva!
¡Rompa el cuerpo esa forma pensativa!
¡Beba mi seno este nacer de viento!
En la frescura que la noche exhala
mi alma retorna . . . ¡Salina potencia!
¡Corramos a la onda y revivamos!

Sí mar, gran mar de delirios dotado,
piel de pantera y clámide horadada
por millares de imágenes de sol,
ebria en tu carne azul, hidra absoluta
que te muerdes la cola refulgente
en un tumulto análogo al silencio.

El viento llega . . .¡Vamos a la vida!
¡Abre y cierra mi libro al aire inmenso,
la ola en polvo salta entre rocas!
¡Volad, páginas mías deslumbradas!
¡Olas, romped con las aguas del júbilo
el techo en paz picado por los foques!

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