lunes, 6 de julio de 2009

Joris-Karl Huysmans y Grünewald

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La crucifixion de Grünewald


La révélation de ce naturalisme, Durtal l'avait eue, l'an passé, alors qu'il était moins qu'aujourd'hui pourtant excédé par l'ignominieux spectacle de cette fin de siècle. C'était en Allemagne, devant une crucifixion de Mathaeus Grünewald.


Et il frissonna dans son fauteuil et ferma presque douloureusement les yeux. Avec une extraordinaire lucidité, il revoyait ce tableau, là, devant lui, maintenant qu'il l'évoquait; et ce cri d'admiration qu'il avait poussé, en entrant dans la petite salle du Musée de Cassel, il le hurlait mentalement encore, alors que, dans sa chambre, le Christ se dressait, formidable, sur sa croix, dont le tronc était traversé, en guise de bras, par une branche d'arbre mal écorcée qui se courbait, ainsi qu'un arc sous le poids du corps.


Cette branche semblait prête à se redresser et à lancer par pitié, loin de ce terroir d'outrages et de crimes, cette pauvre chair que maintenaient, vers le sol, les énormes clous qui trouaient les pieds.


Démanchés, presque arrachés des épaules, les bras du Christ paraissaient garrottés dans toute leur longueur par les courroies enroulées des muscles. L'aisselle éclamée craquait; les mains grandes ouvertes brandissaient des doigts hagards qui bénissaient quand même, dans un geste confus de prières et de reproches; les pectoraux tremblaient, beurrés par les sueurs; le torse était rayé de cercles de douves par la cage divulguée des côtes; les chairs gonflaient, salpêtrées et bleuies, persillées de morsures de puces, mouchetées comme de coups d'aiguilles par les pointes des verges qui, brisées sous la peau, la dardaient encore, çà et là, d'échardes.


L'heure des sanies était venue; la plaie fluviale du flanc ruisselait plus épaisse, inondait la hanche d'un sang pareil au jus foncé des mûres; des sérosités rosâtres, des petits laits, des eaux semblables à des vins de Moselle gris, suintaient de la poitrine, trempaient le ventre au-dessous duquel ondulait le panneau bouillonné d'un linge; puis, les genoux rapprochés de force heurtaient leurs rotules, et les jambes tordues s'évidaient jusqu'aux pieds qui, ramenés l'un sur l'autre, s'allongeaient, poussaient en pleine putréfaction, verdissaient dans des flots de sang. Ces pieds spongieux et caillés étaient horribles; la chair bourgeonnait, remontait sur la tête du clou et leurs doigts crispés contredisaient le geste implorant des mains, maudissaient, griffaient presque, avec la corne bleue de leurs ongles, l'ocre du sol, chargé de fer, pareil aux terres empourprées de la Thuringe.


Au-dessus de ce cadavre en éruption, la tête apparaissait, tumultueuse et énorme; cerclée d'une couronne désordonnée d'épines, elle pendait, exténuée, entr'ouvrait à peine un oeil hâve où frissonnait encore un regard de douleur et d'effroi; la face était montueuse, le front démantelé, les joues taries; tous les traits renversés pleuraient, tandis que la bouche descellée riait avec sa mâchoire contractée par des secousses tétaniques, atroces.


Le supplice avait été épouvantable, l'agonie avait terrifié l'allégresse des bourreaux en fuite.


Maintenant, dans le ciel d'un bleu de nuit, la croix paraissait se tasser, très basse, presque au ras du sol, veillée par deux figures qui se tenaient de chaque côté du Christ: - l'une, la Vierge, coiffée d'un capuce d'un rose de sang séreux, tombant en des ondes pressées sur une robe d'azur las à longs plis, la Vierge rigide et pâle, bouffie de larmes qui, les yeux fixes, sanglote, en s'enfonçant les ongles dans les doigts des mains; -l'autre, saint Jean, une sorte de vagabond, de rustre basané de la Souabe, à la haute stature, à la barbe frisottée en de petits copeaux, vêtu d'étoffes à larges pans, comme taillées dans de l'écorce d'arbre, d'une robe écarlate, d'un manteau jaune chamoisé, dont la doublure, retroussée près des manches, tournait au vert fiévreux des citrons pas mûrs. Epuisé de pleurs, mais plus résistant que Marie brisée et rejetée quand même debout, il joint les mains en un élan, s'exhausse vers ce cadavre qu'il contemple de ses yeux rouges et fumeux et il suffoque et crie, en silence, dans le tumulte de sa gorge sourde.


Ah! devant ce Calvaire barbouillé de sang et brouillé de larmes, l'on était loin de ces débonnaires Golgotha que, depuis la Renaissance, l'Eglise adopte! Ce Christ au tétanos n'était pas le Christ des riches, l'Adonis de Galilée, le bellâtre bien portant, le joli garçon aux mèches rousses, à la barbe divisée, aux traits chevalins et fades, que depuis quatre cents ans les fidèles adorent. Celui-là, c'était le Christ de saint Justin, de saint Basile, de saint Cyrille, de Tertullien, le Christ des premiers siècles de l'Eglise, le Christ vulgaire, laid, parce qu'il assuma toute la somme des péchés et qu'il revêtit, par humilité, les formes les plus abjectes.


C'était le Christ des pauvres, Celui qui s'était assimilé aux plus misérables de ceux qu'il venait racheter, aux disgraciés et aux mendiants, à tous ceux sur la laideur ou l'indigence desquels s'acharne la lâcheté de l'homme; et c'était aussi le plus humain des Christ, un Christ à la chair triste et faible, abandonné par le Père qui n'était intervenu que lorsque aucune douleur nouvelle n'était possible, le Christ assisté seulement de sa Mère qu'il avait dû, ainsi que tous ceux que l'on torture, appeler dans des cris d'enfant, de sa Mère, impuissante alors et inutile.


Par une dernière humilité sans doute, il avait supporté que la Passion ne dépassât point l'envergure permise aux sens; et, obéissant à d'incompréhensibles ordres, il avait accepté que sa Divinité fût comme interrompue depuis les soufflets et les coups de verges, les insultes et les crachats, depuis toutes ces maraudes de la souffrance, jusqu'aux effroyables douleurs d'une agonie sans fin. Il avait ainsi pu mieux souffrir, râler, crever ainsi qu'un bandit, ainsi qu'un chien, salement, bassement, en allant dans cette déchéance jusqu'au bout, jusqu'à l'ignominie de la pourriture, jusqu'à la dernière avanie du pus!


Certes, jamais le naturalisme ne s'était encore évadé dans des sujets pareils; jamais peintre n'avait brassé de la sorte le charnier divin et si brutalement trempé son pinceau dans les plaques des humeurs et dans les godets sanguinolents des trous. C'était excessif et c'était terrible. Grünewald était le plus forcené des réalistes; mais à regarder de ce Rédempteur de vadrouille, ce Dieu de morgue, cela changeait. De cette tête ulcérée filtraient des lueurs; une expression surhumaine illuminait l'effervescence des chairs, l'éclampsie des traits. Cette charogne éployée était celle d'un Dieu, et, sans auréole, sans nimbe, dans le simple accoutrement de cette couronne ébouriffée, semée de grains rouges par des points de sang, Jésus apparaissait, dans sa céleste Superessence, entre la Vierge, foudroyée, ivre de pleurs, et le Saint Jean dont les yeux calcinés ne parvenaient plus à fondre des larmes.


Ces visages d'abord si vulgaires resplendissaient, transfigurés par des excès d'âmes inouïes. Il n'y avait plus de brigand, plus de pauvresse, plus de rustre, mais des êtres supraterrestres auprès d'un Dieu.


Grünewald était le plus forcené des idéalistes. Jamais peintre n'avait si magnifiquement exalté l'altitude et si résolument bondi de la cime de l'âme dans l'orbe éperdu d'un ciel. Il était allé aux deux extrêmes et il avait, d'une triomphale ordure, extrait les menthes les plus fines des dilections, les essences les plus acérées des pleurs. Dans cette toile, se révélait le chef-d'œuvre de l'art acculé, sommé de rendre l'invisible et le tangible, de manifester l'immondice éplorée du corps, de sublimer la détresse infinie de l'âme.


Non, cela n'avait d'équivalent dans aucune langue. En littérature, certaines pages d'Anne Emmerich sur la Passion se rapprochaient, mais atténuées, de cet idéal de réalisme surnaturel et de vie véridique et exsurgée. Peut-être aussi certaines effusions de Ruysbroeck s'élançant en des jets géminés de flammes blanches et noires, rappelaient-elles, pour certains détails, la divine abjection de Grünewald et encore non, cela restait unique, car c'était tout à la fois hors de portée et à ras de terre.


Joris-Karl Huysmans

Là-bas, 1891




The Crucifixion


Durtal's introduction to this naturalism had come as a revelation the year before, although he had not then been so weary as now of fin de siècle silliness. In Germany, before a Crucifixion by Matthæus Grünewald, he had found what he was seeking.


He shuddered in his armchair and closed his eyes as if in pain. With extraordinary lucidity he revisualized the picture, and the cry of admiration wrung from him when he had entered the little room of the Cassel museum was reechoing in his mind as here, in his study, the Christ rose before him, formidable, on a rude cross of barky wood, the arm an untrimmed branch bending like a bow under the weight of the body.


This branch seemed about to spring back and mercifully hurl afar from our cruel, sinful world the suffering flesh held to earth by the enormous spike piercing the feet.


Dislocated, almost ripped out of their sockets, the arms of the Christ seemed trammelled by the knotty cords of the straining muscles. The laboured tendons of the armpits seemed ready to snap. The fingers, wide apart, were contorted in an arrested gesture in which were supplication and reproach but also benediction. The trembling thighs were greasy with sweat. The ribs were like staves, or like the bars of a cage, the flesh swollen, blue, mottled with flea-bites, specked as with pin-pricks by spines broken off from the rods of the scourging and now festering beneath the skin where they had penetrated.


Purulence was at hand. The fluvial wound in the side dripped thickly, inundating the thigh with blood that was like congealing mulberry juice. Milky pus, which yet was somewhat reddish, something like the colour of grey Moselle, oozed from the chest and ran down over the abdomen and the loin cloth. The knees had been forced together and the rotulæ touched, but the lower legs were held wide apart, though the feet were placed one on top of the other. These, beginning to putrefy, were turning green beneath a river of blood. Spongy and blistered, they were horrible, the flesh tumefied, swollen over the head of the spike, and the gripping toes, with the horny blue nails, contradicted the imploring gesture of the hands, turning that benediction into a curse; and as the hands pointed heavenward, so the feet seemed to cling to earth, to that ochre ground, ferruginous like the purple soil of Thuringia.


Above this eruptive cadaver, the head, tumultuous, enormous, encircled by a disordered crown of thorns, hung down lifeless. One lacklustre eye half opened as a shudder of terror or of sorrow traversed the expiring figure. The face was furrowed, the brow seamed, the cheeks blanched; all the drooping features wept, while the mouth, unnerved, its under jaw racked by tetanic contractions, laughed atrociously.


The torture had been terrific, and the agony had frightened the mockingexecutioners into flight.


Against a dark blue night-sky the cross seemed to bow down, almost to touch the ground with its tip, while two figures, one on each side, kept watch over the Christ. One was the Virgin, wearing a hood the colour of mucous blood over a robe of wan blue. Her face was pale and swollen with weeping, and she stood rigid, as one who buries his fingernails deep into his palms and sobs. The other figure was that of Saint John, like a gipsy or sunburnt Swabian peasant, very tall, his beard matted and tangled, his robe of a scarlet stuff cut in wide strips like slabs of bark. His mantle was a chamois yellow; the lining, caught up at the sleeves, showed a feverish yellow as of unripe lemons. Spent with weeping, but possessed of more endurance than Mary, who was yet erect but broken and exhausted, he had joined his hands and in an access obf outraged loyalty had drawn himself up before the corpse, which he
contemplated with his red and smoky eyes while he choked back the cry which threatened to rend his quivering throat.


Ah, this coarse, tear-compelling Calvary was at the opposite pole from those debonair Golgothas adopted by the Church ever since the Renaissance. This lockjaw Christ was not the Christ of the rich, the Adonis of Galilee, the exquisite dandy, the handsome youth with the curly brown tresses, divided beard, and insipid doll-like features, whom the faithful have adored for four centuries. This was the Christ of Justin, Basil, Cyril, Tertullian, the Christ of the apostolic church, the vulgar Christ, ugly with the assumption of the whole burden of our sins and clothed, through humility, in the most abject of forms.


It was the Christ of the poor, the Christ incarnate in the image of the most miserable of us He came to save; the Christ of the afflicted, of the beggar, of all those on whose indigence and helplessness the greed of their brother battens; the human Christ, frail of flesh, abandoned by the Father until such time as no further torture was possible; the Christ with no recourse but His Mother, to Whom —then powerless to aid Him— He had, like every man in torment, cried out with an infant's cry.


In an unsparing humility, doubtless, He had willed to suffer the Passion with all the suffering permitted to the human senses, and, obeying an incomprehensible ordination, He, in the time of the scourging and of the blows and of the insults spat in His face, had put off divinity, nor had He resumed it when, after these preliminary mockeries, He entered upon the unspeakable torment of the unceasing agony. Thus, dying like a thief, like a dog, basely, vilely, physically, He had sunk himself to the deepest depth of fallen humanity and had not spared Himself the last ignominy of putrefaction.


Never before had naturalism transfigured itself by such a conception and execution. Never before had a painter so charnally envisaged divinity nor so brutally dipped his brush into the wounds and running sores and bleeding nail holes of the Saviour. Grünewald had passed all measure. He was the most uncompromising of realists, but his morgue Redeemer, his sewer Deity, let the observer know that realism could be truly transcendent. A divine light played about that ulcerated head, a superhuman expression illuminated the fermenting skin of the epileptic features. This crucified corpse was a very God, and, without aureole, without nimbus, with none of the stock accoutrements except the blood-sprinkled crown of thorns, Jesus appeared in His celestial super-essence, between the stunned, grief-torn Virgin and a Saint John whose calcined eyes were beyond the shedding of tears.


These faces, by nature vulgar, were resplendent, transfigured with the expression of the sublime grief of those souls whose plaint is not heard. Thief, pauper, and peasant had vanished and given place to supraterrestial creatures in the presence of their God.


Grünewald was the most uncompromising of idealists. Never had artist known such magnificent exaltation, none had ever so resolutely bounded from the summit of spiritual altitude to the rapt orb of heaven. He had gone to the two extremes. From the rankest weeds of the pit he had extracted the finest essence of charity, the mordant liquor of tears. In this canvas was revealed the masterpiece of an art obeying the unopposable urge to render the tangible and the invisible, to make manifest the crying impurity of the flesh and to make sublime the infinite distress of the soul.


It was without its equivalent in literature. A few pages of Anne Emmerich upon the Passion, though comparatively attenuated, approached this ideal of supernatural realism and of veridic and exsurrected life. Perhaps, too, certain effusions of Ruysbroeck, seeming to spurt forth in twin jets of black and white flame, were worthy of comparison with the divine befoulment of Grünewald. Hardly, either. Grünewald's masterpiece remained unique. It was at the same time infinite and of earth earthy.




Traducción de Keene Wallace.



La crucifixión de Grünewald


La revelación de ese naturalismo Durtal la había tenido, el año pasado, en un momento en que se hallaba sin embargo menos disgustado que hoy por el ignominioso espectáculo de este fin de siglo. Fue en Alemania, delante de una crucifixión de Mathaeus Grünewald.


Y sintió escalofríos en su sillón y cerró casi dolorosamente los ojos. Con una extraordinaria lucidez, volvía a ver ese cuadro, allí, frente a él, ahora que lo evocaba; y ese grito de admiración que había proferido, al entrar en la pequeña sala del Museo de Cassel, seguía siendo mentalmente un aullido, ahora que, en su habitación, ese Cristo se levantaba, formidable, en su cruz, cuyo tronco atravesaba, como si fuese un brazo, una rama de árbol mal desbastada y que se doblaba, como un arco, con el peso del cuerpo.


Esa rama parecía lista ya a enderezarse y a arrojar por piedad, lejos de esta tierra de ultrajes y de crímenes, esa pobre carne que tiraban hacia el suelo los clavos enormes que agujereaban los pies.


Desencajados, casi arrancados de los hombros, los brazos de Cristo parecían agarrotados todo a lo largo por las correas enroscadas de los músculos. Se oía el ruido de los huesos dislocados bajo las axilas; las manos muy abiertas blandían dedos hoscos que bendecían sin embargo, con un gesto confuso de plegarias y reproches; los pectorales temblaban, grasientos de sudores; el torso parecía un tonel con el entramado visible de las costillas; la carne se hinchaba, azulada y como si exudase salitre, sembrada de picaduras de pulga, pinchada como con agujas por las puntas de las varas que a pesar de haberse quebrado sobre la piel la llenaban aún de tajos por todas partes.


La hora del pus había llegado; la llaga fluvial del flanco dejaba escapar su arroyo espeso, inundaba la cintura con una sangre parecida al jugo oscuro de las moras; serosidades rosadas, algo así como leche, aguas parecidas a vinos grises de Mosela, brotaban del pecho, empapaban el vientre bajo el cual ondulaba la franja arrugada de un lienzo; además, las rodillas juntadas a la fuerza entrechocaban sus rótulas, y las piernas torcidas se vaciaban hasta los pies que, puestos uno sobre otro, se alargaban, crecían en plena putrefacción, se ponían verdes con las oleadas de sangre. Esos pies esponjosos y callosos eran horribles; la carne brotaba, subía hasta la cabeza del clavo y los dedos crispados contradecían el gesto implorante de las manos, maldecían, arañaban casi, con el cuerno azul de las uñas, el ocre del suelo, cargado de hierro, semejante a las tierras púrpuras de Turingia.


Por encima de ese cadáver en erupción aparecía la cabeza, tumultuosa y enorme; ceñida con una corona desordenada de espinas, caía, extenuada, entreabría apenas un ojo lívido en el que palpitaba aún una mirada de dolor y de espanto; la cara llena de bultos, la frente destrozada, las mejillas secas; todos los rasgos trastocados lloraban, mientras que la boca abierta reía con la mandíbula contraída por sacudidas tetánicas, atroces.


El suplicio había sido horrendo, la agonía había aterrado el regocijo de los verdugos que huían.


Ahora, en el cielo de un azul de noche, la cruz parecía achicarse, hacerse muy baja, casi a ras del suelo, custodiada por dos figuras que permanecían a cada lado de Cristo: - una, la Virgen, tocada con un capucho de un rosa sangre seroso, que caía en ondas apretadas sobre un vestido de azul cansado de largos pliegues, la Virgen rígida y pálida, hinchada por las lágrimas y que, con la mirada fija, solloza, hundiéndose las uñas en los dedos de las manos; -la otra, San Juan, una especie de vagabundo, de pardo patán de Suabia, de alta estatura, con la barba rizada con pequeños rulos, vestido con las largas telas, como si hubiesen sido talladas en la corteza de un árbol, de una túnica escarlata, de un manto amarillo semejante al cuero curtido, cuyo forro, visible cerca de las mangas, se transformaba en el verde afiebrado de los limones no maduros. Exhausto de llantos, pero más resistente que María doblegada y sin embargo arrojada allí de pie, junta las manos en un impulso, se levanta hacia ese cadáver que contempla con los ojos rojos y humosos y se sofoca y grita, en silencio, en el tumulto de su garganta sorda.


Delante, ay, de ese Calvario manchado de sangre y borroneado de lágrimas, uno se hallaba lejos de los Gólgotas bonachones que, desde el Renacimiento, la Iglesia adopta. Ese Cristo del tétanos no era el Cristo de los ricos, el Adonis de Galilea, el tonto bonito de buena salud, el lindo muchacho de los rizos rojizos, con la barba dividida, con rasgos caballunos y sosos, que desde hace cuatrocientos años adoran los fieles. Ese era el Cristo de San Justino, de San Basilio, de San Cirilo, de Tertuliano, el Cristo de los primeros siglos de la Iglesia, el Cristo vulgar, feo, porque asumió la suma entera de los pecados y revistió, por humildad, las formas más abyectas.


Era el Cristo de los pobres, Aquel que se había hecho semejante a los más miserables de los que venía a salvar, a los físicamente desfavorecidos y a los mendigos, a todos esos con cuya fealdad o indigencia se encarniza la cobardía del hombre; y era también el más humano de los Cristos, un Cristo con la carne triste y débil, abandonado por el Padre que sólo había intervenido cuando ningún nuevo dolor era posible, el Cristo únicamente asistido por su Madre a la que, como ocurre con todos los que son torturados, había tenido que llamar con gritos de niño, por su Madre, inútil entonces e impotente.


Por una última humildad sin duda, había soportado que la Pasión no sobrepasase la envergadura permitida a los sentidos; y, obedeciendo a incomprensibles órdenes, había aceptado que su Divinidad fuese como interrumpida desde las bofetadas y los latigazos, los insultos y los escupitajos, desde todos los pequeños merodeos del sufrimiento, hasta los espantosos dolores de una agonía sin fin. Así había podido sufrir mejor, agonizar, reventar como si se tratase de un bandido, como si se tratase de un perro, suciamente, bajamente, yendo hasta el fondo de su caída, hasta la ignominia de la putrefacción, hasta el ultraje postrero del pus.


Por cierto, jamás el naturalismo se había evadido todavía hacia temas semejantes; jamás ningún pintor había manejado de tal forma el osario divino ni empapado el pincel de manera tan brutal en las placas de los humores y en los frascos sangrientos de los agujeros. Era algo excesivo y terrible. Grünewald era el más furioso de los realistas; pero al mirar a ese Redentor de mala vida, a ese Dios de morgue, la cosa cambiaba. De esa cabeza ulcerada se desprendían fulgores; una expresión sobrehumana iluminaba la efervescencia de la carne, el desencajamiento de los rasgos. Esa carroña abierta era la de un Dios, y, sin aureola, sin nimbo, con el simple tocado gotesco de esa corona desordenada, sembrada de granos rojos por las gotas de sangre, Jesús aparecía, en su celeste Superesencia, entre la Virgen, aniquilada, ebria de llantos, y el San Juan cuyos ojos calcinados ya no lograban derramar lágrimas.


Esos rostros tan vulgares al principio resplandecían, transfigurados por los excesos de almas inauditas. Ya no había bandido, ni mujer pobre ni patán, solamente seres supraterrestres al lado de un Dios.


Grünewald era el más furioso de los realistas. Jamás ningún pintor había tan magníficamente exaltado la alteza ni tan resueltamente brincado desde la cima del alma al orbe desamparado de un Cielo. Había ido a ambos extremos y había extraído, de una triunfal basura, las más finas mentas de las dilecciones, las más aceradas esencias de los llantos. En ese cuadro se revelaba la obra maestra del arte arrinconado, conminado a expresar lo invisible y lo tangible, a manifestar la inmundicia lacrimosa del cuerpo, a sublimar la angustia infinita del alma.


No, aquello no tenía equivalente en lengua alguna. En literatura, ciertas páginas de Anna Katherina Emmerich sobre la Pasión se aproximaban, pero atenuadas, a ese ideal de realismo sobrenatural y de vida verídica y exaltada. Quizás, también, ciertas efusiones de Ruysbroeck lanzándose en chorros gemelos de llamas blancas y negras, hacían pensar, debido a ciertos detalles, en la divina abyección de Grünewald; y, a pesar de todo, no, aquello seguía siendo único, ya que se hallaba al mismo tiempo fuera de alcance y a ras del suelo.


Traducción de Miguel Ángel Frontán.

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