miércoles, 19 de mayo de 2010

Paul Morand y Ángel José Battistessa


Le chant de Charing Cross

Angleterre,
joyau de houille serti de craie,
couvert d'herbe, coupé de haies,
de fleuves lents que meut le pouls de la marée aux estuaires en forme de conque,
versant ton labeur manufacturé à la mer,
de ruisseaux difficiles où sautent les saumons,
villes visitées des mouettes stridentes, éparses
comme les lettres jetées au vent,
patrie du fer exact et de l'acier cultivé et des métiers à tisser,
pays des fumées grasses, charbons mouillés d'embruns, mâchefers, scories,
perspectives de briques livides,
inutiles jardins succombant sous les taxes,
dimanches pluvieux que dore la Genèse,
nuits sans étoiles dont les noires moissons tombent sous la faux des phares,
nous connaissions tout cela;
nous nous contentions de ton son mat,
nous mangions dans les grands journaux comme à des mangeoires remplies de faits,
nous savions que ton amitié nous donnerait la mer,
vivant tissu que trament les hélices,
les banknotes de soie,
les forts flottants,
les câbles dociles, sensibles, oxydés,
enfin la victoire au goût de sel
que tes hommes portent sur leur visage au menton certain,
mais nous ignorions ton armée tirée de ta chair de marins,
les soldats nouveaux qui ont le mouvement des vagues:
les bois des fusils sont roses,
les harnais clairs n'ont pas servi
et dans le jardin public
les vétérans d'Afghanistan expliquent le canon.
La mêlée sera magnifique:
Déjà les Maoris cuisent le maïs à l'ombres des Pyramides,
les Hindous libèrent d'une nuit d'affût dans la Flandre blonde
les Canadiens chasseurs d'ours
et les binious calédoniens réveillent les guerriers de Troie.
Viennent les grands accords de l'artillerie lourde,
chante l'obus harmonieux,
vous ne connaitrez pas mieux,
ô mourants qui pressez vos gourdes.
Tombez contents:
voici venir le grand moment,
et c'est un poème de sang
que chante le vent sur les lyre de fer barbelé:

Orgues des moteurs,
dites un Requiem ardent
pour ces trépas de commerçants.

(Lampes à arc. 1914)

PAUL MORAND



El canto de Charing Cross

Inglaterra,
joya de hulla engastada de tiza,
cubierta de hierba, recortada de setos,
de ríos lentos que mueve el pulso de la marea en los estuarios en forma de concha,
que vierten su trabajo manufacturado en el mar,
de arroyos intrincados donde saltan salmones,
ciudades visitadas por gaviotas estridentes, esparcidas
como cartas arrojadas al viento,
patria del hierro exacto y del acero cultivado y de las hilanderías,
país de los humos espesos, carbones empapados en nieblas, residuos de fundición, escorias,
perspectivas de ladrillos lívidos,
inútiles jardines agobiados de impuestos,
domingos lluviosos dorados por el Génesis,
noches sin estrellas cuyas negras cosechas caen bajo la hoz de los faros,
nosotros conocíamos todo esto;
nos contentábamos con tu sonido mate,
nos alimentábamos en tus grandes periódicos como en artesas rebosantes de hechos,
sabíamos que tu amistad nos daría el mar,
urdimbre movediza tramada por las hélices,
los banknotes sedosos,
los fuertes flotantes,
los cables dóciles, sensibles, oxidados,
en fin la victoria de sabor salino
que tus hombres llevan sobre su rostro de mentón decidido,
pero ignorábamos tu ejército arrancado de tu carne de marinos,
los soldados nuevos que tienen el movimiento de las olas:
las culatas de los fusiles son rosadas
los arneses claros no han servido
y en los jardines públicos
los veteranos de Afghanistán explican el cañón.
La refriega será magnífica:
Ya los maoríes tuestan el maíz a la sombra de las Pirámides,
los hindúes se liberan de una noche de asechanzas en el Flandes rubio,
los canadienses cazadores de osos
y las cornamusas caledonias despiertan a los guerreros de Troya.
Suenen los fuertes acordes de la artillería pesada,
cante el obús armonioso,
vosotros no conoceréis nada mejor,
oh moribundos que aferráis las cantimploras.
Caed contentos:
ved llegar el instante grandioso,
y es un poema de sangre
el que entona el viento en las liras de los alambres de púas:

Órganos de los motores,
decid un Requiem ardiente
por esta hecatombe de comerciantes.

(Lampes à arc. 1914)

Traducción de ÁNGEL JOSÉ BATTISTESSA


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