domingo, 15 de abril de 2012

José María de Heredia y Leopoldo Lugones




MER MONTANTE

Le soleil semble un phare à feux fixes et blancs.
Du Raz jusqu'à Penmarc'h la côte entière fume,
Et seuls, contre le vent qui rebrousse leur plume,
A travers la tempête errent les goëlands.

L'une après l'autre, avec de furieux élans,
Les lames glauques sous leur crinière d'écume,
Dans un tonnerre sourd s'éparpillant en brume,
Empanachent au loin les récifs ruisselants.

Et j'ai laissé courir le flot de ma pensée,
Rêves, espoirs, regrets de force dépensée,
Sans qu'il en reste rien qu'un souvenir amer.

L'Océan m'a parlé d'une voix fraternelle,
Car la même clameur que pousse encor la mer
Monte de l'homme aux Dieux, vainement éternelle.


MAR CRECIENTE

El sol parece un faro de luz blanca y remota,
Desde el Raz a Penmarke la ribera se ahuma,
Y sola contra el viento que arrezaga su pluma,
A través de la racha va errante la gaviota.

Una por una, en ímpetu desordenado rota,
Cada onda glauca empínase bajo su crin de espuma,
Y con sordo trueno pulverizada en bruma,
Empenacha a lo lejos el banco en que rebota.

La onda de mis ideas va corriendo, entre tanto,
Sin que de todo quede, sueño esperanza, encanto,
Mas que la hez amarga del mal que nos devora.

El Océano me ha hablado con una voz hermana
Porque la misma queja que lanza el mar ahora
Va del hombre a los dioses; eternamente vana.


FLORIDUM MARE

La moisson débordant le plateau diapré
Roule, ondule et déferle au vent frais qui la berce ;
Et le profil, au ciel lointain, de quelque herse
Semble un bateau qui tangue et lève un noir beaupré.

Et sous mes pieds, la mer, jusqu'au couchant pourpré,
Céruléenne ou rose ou violette ou perse
Ou blanche de moutons que le reflux disperse,
Verdoie à l'infini comme un immense pré.

Aussi les goëlands qui suivent la marée,
Vers les blés mûrs que gonfle une houle dorée,
Avec des cris joyeux, volaient en tourbillons ;

Tandis que, de la terre, une brise emmiellée
Éparpillait au gré de leur ivresse ailée
Sur l'Océan fleuri des vols de papillons.


FLORIDUM MARE

Desbordando el rebajo matizado, la mies,
Al soplo de la brisa, flota, ondula o se atersa;
Y en lo azul perfilándose, alguna rastra inversa
Finge un barco que boga y alza un negro bauprés.

La mar, hasta el ocaso, tendiéndose a mis pies,
Cerúlea, rosada, violeta, diversa,
O blanca de carneros que el reflujo dispersa,
Como un inmenso prado verdeguea después.

Bandadas de gaviotas siguiendo la marea,
Hacia el trigo maduro que en áureo rizo ondea,
Iban remolinando, gárrulas y gozosas;

Mientras desde la tierra, la brisa perfumada
Esparcía al capricho de su embriaguez alada,
Sobre la mar florida, vuelos de mariposas.


LES CONQUÉRANTS

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;

Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.


LOS CONQUISTADORES

Como halcones que dejan el páramo natal,
Hartos de su arrogante miseria y de sus penas,
Jefes y nautas, desde Palos y Cartagenas,
Partían ebrios de una fiebre heroica y brutal.

Iban a la conquista del mágico metal
Que el remoto Cipango madura en áureas venas,
Y los vientos alisios doblaban sus antenas
Al borde misterioso del mundo occidental.

Soñando cada noche con épicas mañanas,
El remusgo fosfórico de las ondas lejanas
Encantaba sus sueños con dorado espejismo;

O echados al avante, desde sus carabelas
Miraban, atisbando las ignotas procelas,
Alzarse las estrellas del fondo del abismo.



LE RÉCIF DE CORAIL

Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
Éclaire la forêt des coraux abyssins
Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
La bête épanouie et la vivante flore.

Et tout ce que le sel ou l'iode colore,
Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
Le fond vermiculé du pâle madrépore.

De sa splendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
Dans l'ombre transparente indolemment il rôde ;

Et, brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d'or, de nacre et d'émeraude.


EL ARRECIFE DE CORAL

El sol bajo el mar tiñe con misteriosa aurora
La selva del abisio coral cuyos macizos
Ramos mezclan en la hoya de los fondos calizos
El animal florido con la viviente flora.

Todo cuanto de sales o yodos se colora,
Musgos, vellosas algas, anémonas, erizos,
Cubre de densa púrpura, con magníficos rizos,
El suelo que la pálida madrépora elabora,

Apagando el esmalte de sus vivas escamas,
Un gran pez al acecho navega entre las ramas
Y en la acuática sombra pasea su indolencia;

Cuando, en brusco esguince que en luz su aleta escalda
Por la azul, adormida en inmóvil transparencia
Dilata un temblor de oro, de nácar y esmeralda.