martes, 20 de diciembre de 2011

Leopoldo Marechal y Bernard Sesé



DEL ADIÓS A LA GUERRA
¡No ya la guerra de brillantes ojos,
La que aventando plumas y corceles
Dejó un escalofrío de broqueles
En los frutales mediodías rojos!

Si el orgullo velaba sus despojos
Y el corazón dormía entre laureles,
¡Mal pude, Amor, llegarme a tus canceles,
Tocar aldabas y abolir cerrojos!

¡Armaduras de sol, carros triunfales,
Otros dirán la guerra y sus metales!
Yo he desertado y cruzo la frontera

Detrás de mi señora pensativa,
Porque, a la sombra de la verde oliva,
Su bandera de amor es mi bandera.

L'ADIEU À LA GUERRE
Non plus la guerre aux yeux brillants,
celle qui dispersant les plumes, les coursiers,
laissa un tremblement de boucliers
dans les midis rouges et fruitiers !

Si l'orgueil veillait son butin,
si le coeur dormait parmi les lauriers,
comment pouvais-je, Amour, arriver à tes portes,
y frapper le heurtoir, en briser les verrous !

Armures de soleil, chars triomphants,
d'autres diront la guerre et ses métaux !
J'ai déserté, je passe la frontière,

poursuivant ma dame pensive,
parce que, à l'ombre de la verte olive,
sa bannière d'amour est la mienne.

DE LA SABROSA TREGUA
Cuando, ya sea en la mañana pura,
Ya en la temida noche del espanto,
La mujer admirable de mi canto
Se adelanta sin velo ni atadura,

Descuida el alma su pelea obscura,
Las armas rinde, y su fervor es tanto
Que se aventura en un dominio santo
Donde no tiene llanto la hermosura.

Y si la dueña de mi pensamiento
Pone su labio en el oído atento
Del alma, entonces un sabroso idioma

Conmueve y mueve al que lo va escuchando,
Como la voz de la paloma, cuando
Nos llega enamorada la paloma.

LA TRÈVE SAVOUREUSE
 Quand, dans l'aube très pure
ou bien dans la nuit de l'effroi,
admirable la femme de mon chant
sans voile ni lien s'avance,

de son obscur combat l'âme s'écarte,
rend les armes, et telle est sa ferveur
qu'elle se risque en la région sainte
où la beauté ne connaît pas les pleurs.

Si la reine de toutes mes pensées
repose sa lèvre sur l'oreille attentive
 de l'âme, alors un savoureux langage

émeut celui qui longuement l'écoute,
comme la voix de la colombe, quand
elle revient vers nous prise d'amour.

DEL AMOR NAVEGANTE
Porque no está el Amado en el Amante
Ni el Amante reposa en el Amado,
 Tiende Amor su velamen castigado
 Y afronta el ceño de la mar tonante.

Llora el Amor en su navío errante
Y a la tormenta libra su cuidado,
Porque son dos: Amante desterrado
Y Amado con perfil de navegante.

Si fuesen uno, Amor, no existiría
Ni llanto ni bajel ni lejanía,
Sino la beatitud de la azucena.

¡Oh amor sin remo, en la Unidad gozosa!
¡Oh círculo apretado de la rosa!
Con el número Dos nace la pena.

AMOUR NAVIGANT
Car l'Aimé n'est pas dans l'Amant,
ni l'Amant en l'Aimé repose,
l'Amour tend ses voiles navrées
et de la mer tonnante affronte la menace.

Pleure l'Amour en son navire errant
et son tourment confie à la tourmente,
car ils sont deux, un Amant exilé
et son Aimé, profil de navigant.

S'ils étaient un, Amour, n'existeraient
ni pleurs, ni navire ou lointain,
mais du lis la béatitude.

Amour sans rame, en l'unité joyeuse !
Ô cercle serré de la rose !
Avec le nombre Deux jaillit la peine.