lunes, 9 de julio de 2012

René Crevel: Las hermanas Brontë hijas del viento

Recordamos que el pasado mes de abril Ediciones De La Mirándola publicó la primera traducción al castellano de LA MUERTE DIFÍCIL de RENÉ CREVEL.




LES SOEURS BRONTË FILLES DU VENT


Le soleil n’est pas le seul à réussir ses mirages. Le brouillard s’affirme non moins bon magicien, qui métamorphose en novembre anglais un juillet suisse.
Ainsi, le grand sanatorium, maître de la tempête géologique, en parfait équilibre au sommet d’une vague rocheuse, ce bâtiment, dont les balcons gréés de stores et l’impeccable majesté fraîche repeinte, déjà, par plein beau temps, incarnaient, de la caravelle au transatlantique, l’idée générale de navire, a su profiter de cette brume pour devenir plus et mieux que symbole et entreprendre un voyage parmi les énigmes, non de montagne, mais de mer du Nord.

Ainsi se perd jusqu’à la notion de continent.

Nul n’ose plus imaginer, en frontières au désert liquide, ces plages, qui seules apaisent les pieds de l’inquiétude.

La prison de vapeur polaire, le bagne d’opaque ennui, qui donc tenterait d’en escalader les murailles ?

Pas un optimisme n’est assez vigoureux pour espérer une île même encerclée de Gulf-Stream négatif et frissonnante à l’invasion glacée des harengs.

Le froid est toujours poisson.

Poisson paradoxal, sans doute, si la saison se prétend été, si les lames qui le balancent atteignent une altitude à vertu médicinale, mais poisson quand même et bien que bâtard avec une méduse pour lui servir de mère et justifier sa répugnante viscosité.

Dame, tout le monde ne peut être doué d’une franchise septentrionale, tel janvier, fils de nacre baltique.

Or, quoique de naissance illégitime, l’arlequin d’écailles ne peut manquer avoir un père.

- Inconnu, dirait l’état civil.

Et pourtant, celui qui, sans bras, ni jambes, ni ailes, ni nageoires, ni dents, ni ongles, mord, écorche, dans sa marche invisible, les plaines, mieux durcies par les siècles, que, par la course, les plantes quasi minérales, à force d’être nues, des pieds africains, celui qui, parti du niveau de la mer, avec une grâce agile de mercure au long d’un thermomètre, grimpe jusqu’au plus haut des hauts terrestres et le bat comme plâtre, oui le plâtre des lèpres banlieusardes, celui qui a châtié, dans son corps, l’univers et a marqué son front en forme de globe satisfait, l’insaisissable et souverain, peu subtils employés de mairie, vous auriez bien pu deviner son nom, le plus beau des noms, puisqu’il s’appelle Vent.

Sans doute, gnomes rédacteurs de registres, trouvez-vous quelque extravagance à cette filiation, et parce que, depuis des années vous travaillez au catalogue des personnes, volontiers, vous vous récrieriez.

Minute, ouvrez votre dictionnaire et constatez que le très honnête petit Larousse, lui-même, avoue que Jupiter pour séduire Léda, femme de Tyndare, prit la forme d’un cygne.

Et d’abord, jugez combien illusoires, dès la plus haute antiquité, se révélèrent les institutions confiées à votre garde, puis cherchez les mots (que vous ne trouverez pas) dignes de stigmatiser la créature si perverse que le dieu des dieux choisit, dans son vestiaire olympien, les apparences d’un bel oiseau, le jour qu’il voulut devenir son amant.

Sous les blanches ailes, la dame se pâma tant et si bien que, neuf mois plus tard, naissaient Castor et Pollux, qui devaient, bien des millénaires avant les Dolly Sisters et autres conjonctions du music-hall, se jumeler en étoiles, au sens sinon américain, du moins céleste, sous le pseudonyme de Gémeaux.

Or donc, si un cygne a procréé des astres, pourquoi, dès lors, le froid ne serait-il pas fils du Vent ?



Le Vent, lui, n’a pas de père,

Car au commencement était le Vent,

Le Vent et non le Verbe.



Trois filles de pasteur ont elles-mêmes corrigé le mensonge biblique.

À la toute neuve vérité elles ont soumis leurs existences.

Non sans courage, puisqu’elles vécurent à la plus conservatrice des ères, je veux dire dans la première moitié du XIXe siècle.

Le prêchi-prêcheur qui servit de père à cette trinité d’amazones, certes, n’avait pas dû prévoir sous le signe de quelle tempétueuse fatalité il mettait sa future descendance, lorsque tout jeune homme il avait idolâtré des éléments, converti le patronyme de Brontë, parce que, remarquent les biographes psychologues et hellénistes de cette gent orgueilleuse, le mot grec αστραπή signifie tonnerre.

Le calembour triomphera du propos évangélique, et, réduites à la transparence, les plus orthodoxes pratiques religieuses de l’église d’Angleterre ne prévaudront point contre les forces naturelles.

Qu’elles aient soif d’absolu, au sommet de leur impitoyable Yorkshire, celles dont la peau a, par les myriades de ses petites boucles, constaté que la seule pluie désaltère le tourment du front, l’impatience des mains, comment voudraient-elles encore d’une religion à l’eau bouillie ?

Elles ont besoin d’adorer, mais leur vrai culte elles le vouent à la plus haute voix de la terre, qui n’a pas hurlé en vain, de toute sa sauvagerie, autour de leur maison.

S’ouvre la porte du presbytère, et dès le seuil, l’ouragan a raison de la bure qui déguise en puritaines ces Vellédas. Le vent ne se contente pas de marquer ces chairs vierges. Il pénètre les secrets de leurs rêves. À nulle créature ne se dédie, pour s’y confirmer, leur ardeur. Le délire est plus fort, de s’amplifier, libre de tout objet humain. Dans la fumée du ciel et de leurs yeux gronde un amour sans visage et sans corps. Crevé d’une indigestion de pralines, le bébé rococo avec des ailes touche-à-tout et un nombril grivois, dégonflé le sale gamin bouffi, désarmé l’archer de deuxième classe, l’amour ne trouve plus son symbole dans la chair des facilités roses et blondes. Hôte invisible, coureur dont nulle ombre n’alourdit les foulées, plus léger qu’un reflet, plus pur que le givre, s’il daigne prendre forme, il sera buisson de flammes glacées, fils du vent, comme les trois sœurs, ses sœurs, il sera prisme de tous les froids, bouquet de poissons cruels, petits couteaux devenus grands et qui frétillent à même les cœurs fraternels, les cœurs tout puissants qui leur ont prêté vie. Parce que leurs nageoires sont dentelles de fer, ils se battent mieux que les coqs. Un aquarium lourd de tout leur sang pèse aux poitrines étroites mais si fières, si impatientes qu’elles n’ont jamais daigné prendre le temps d’une vraie, d’une longue respiration.

Elles suffoquent, ces femmes, à boire le cyclone, à s’en saouler.

Des mois et des mois se prolonge la rude fête, mais viennent les jours tempérés, pas une des trois qui daigne reprendre souffle, savourer le printemps léger, pourtant si fallacieusement doux aux poumons meurtris.

Car toute passion méprise la gourmandise.

Emily la mieux blessée, la plus géniale, jette un grand cri déchireur de forêt. L’oiseau rauque, l’enfant de sa gorge à vif, en vol tourbillonné, descend jusqu’à ceux d’en bas que protègent les villes, leurs murs, leurs conventions.

Mais une capitale oublie la terre d’où elle naquit. Pudibonde, administrative, elle habille le sol, son ventre, de macadam bien lisse. Privée de contact essentiel puisque sont gantés de cuir les pieds qui caressent son vêtement minéral, l’âme londonienne, l’âme collective de l’Angleterre est un produit manufacturé.

Aux seuls hauts du Yorkshire, le vent s’est fait chair,

le vent a hurlé,

le vent a battu.

Mais dans les villes ceinturées de fabriques, de respectabilité, c’est silence, c’est pitié.

XIXe siècle. On croit au progrès parce que l’hypocrisie monte en chemin de fer, s’éclaire au gaz. " Temps difficiles ", devra tout de même constater Dickens, mais c’est trop peu de larmoyer, et, malgré les doléances descriptives, le rêve continue de se blesser aux angles du mensonge. Des architectures, pourtant dérisoires, réussissent à coincer le faible troupeau des volontés. La vague de briques, les torrents d’anthracite, le fleuve d’égoïsme, à flots conjugués, déferlent, écrasent les dernières molles petites révoltes.

La résignation, mais elle est couleur de porridge national, pas même grise, pas même isabelle, du nom de cette archiduchesse qui, fidèle à son vœu, ne changea point de chemise les trois années que dura le siège d’Ostende, par son époux.

Grâce au cocktail de toutes ces crasses, s’allument encore plus inexorable la pourpre veineuse et plus profond l’indigo artériel du sang non asservi.



Soeurs Brontë, de votre naissance à votre mort, vous n’avez connu d’autre réalité que celle de vos rêves impétueux. Or voici que vos existences, libres de toute anecdote, après bientôt un siècle, s’amplifient jusqu’à devenir symbole.

Le chien d’Emily mène le troupeau de vos cerfs volants, mais oui, des cerfs qui ne sont plus métaphoriques et volent, pour de vrai, pour de bon, parmi les nuages où l’enfant voit galoper le lion, le loup, la gazelle.

Filles d’un homme d’église, vous n’avez point perdu cette innocence païenne dont le masochisme judéen fit le péché originel.

Les habits noirs, le pensionnat cruel, l’harmonium, le culte dans le temple trop bien ciré, le froid carrelage en guise de plancher, et toutes les méchancetés d’une religion menaçante qui se débitent en sermons dans votre maison même, rien n’a triomphé de vos cœurs libres.

Et voilà bien le miracle.

Les yeux fermés, vous suivez les spirales en plein ciel, les arcs de vertige d’un astre à l’autre, dont le plus pâle reflet sur le sol quotidien aveuglerait les autres créatures.

Les Brontë, tonnerre et vent, respectent la flore et la faune tourbillonnantes que leurs songes nourrirent.

Elles ne cueillent nulle fleur, n’arrachent nulle plume, pour leur parure.

Elles savent ce qu’il y aurait de sacrilèges dans d’aussi mesquines coquetteries.

Elles ne sont point des modistes.

Et puis tous les vains trophées, à pendre le long des murs, si vite, deviennent défroques.



Le frère, Patrick Branwell, d’abord dépêché à Londres, en brillant éclaireur, et, après mille folies, abus, échecs, soudain assagi, du moins quant à l’apparence, précepteur dans une respectable famille, ne sera point fâché, lorsque les voluptés paisibles que lui dispense généralement la mère de ses élèves se trouveront interrompues par la jalousie du mari.

Il regagne son Yorkshire.



Une fille saoule qui, de son trottoir professionnel, chante :

" Mon soleil, c’est les becs de gaz ", ne met pas le moindre mensonge poétique dans cette affirmation.

Quel autre astre pourrait donc bien se rappeler la vierge folle des faubourgs ? Elle dort tant qu’il fait clair et les enseignes lumineuses ont tué la lune. Il n’y a plus d’étoiles que l’hiver, quand vient de passer l’allumeur de réverbères.

Ainsi, le jeune Anglais, aux classiques boucles blondes du XIXe siècle, lors de son passage dans les ateliers de Chelsea, contre l’alcool et les drogues, a troqué les éléments dont s’étaient grisées ses premières années, sur les collines du Nord.

Mais il n’y a pas eu trahison.

Il demeure fidèle à sa fatalité.

Il ignore la mise en scène des paradis artificiels.

Cet adolescent, par les siens décrété génial, peintre et poète dédaigneux des tableaux et des vers, il est donc revenu gorgé de chair, de boissons distillées et fermentées, d’opium, et il va continuer de mener un fier sabbat. Ses sœurs, les vierges ivres de l’unique tempête, ne vont point se scandaliser pour si peu.

Vices et vertus ?

D’un être, elles le savent, compte seul l’écho flamboyant qui le double.

Ni la vie à l’ombre du temple, ni les courts voyages au pays des hommes ne les ont ternies de pudibonds préjugés.

Charlotte, la myope, s’est bien éprise d’un mesquin maître d’école.

Plus bas-bleu que les deux autres, la passion cependant ne la secouera point de ce délire tarabiscoté si propre à tous les buveurs et buveuses d’encre. Le cuistre grassouillet n’aura été, somme toute, pour la petite institutrice, que prétexte au plus beau rendez-vous.

Le rendez-vous avec soi-même.

Pas plus que ses sœurs, Patrick Branwell n’y manquera.

Le quatuor échappe au mensonge qui poursuit l’humanité vulgaire jusque dans les plus secrets replis de ses intempérances extasiées, de ses amours et de son inconscient.

Car il n’y a pas que le mensonge de la vie quotidienne.

Question de rythmes et de degrés, contraste formel et non d’essences dans les diverses manières que les hommes ont de composer avec leurs pensées, leurs états d’âme. Rien de plus théâtral que les propos zigzagants de certaines ivrogneries, les déclarations d’amants très épris et les perspectives de cauchemars pourtant indéniables.

Sans doute, pourrait-on objecter que le propre de certains êtres étant le théâtral, ils ne manquent point à leur nature si, comme eux, sous l’empire d’une émotion, d’un élan, se déforme, s’amplifie l’insincérité qui fait le fond d’eux-mêmes.

Mais justement, nous aimons, nous louons les Brontë, parce que nous les avons imaginés dédaigneux de ces guenilles que les autres, à force de s’en déguiser, prennent pour les lambeaux de leur propre chair.



Patrick Branwell aime le whisky, le suc de pavot, avec la même imprudence qu’Emily le vent.

À Londres, les écrivains civilisés, Quincey, Coleridge, ont les mêmes goûts. Mais eux pèsent, dosent, car ils ne veulent pas mourir, fût-ce de leurs beaux, de leurs chers poisons.

À trente et un ans, Patrick Branwell, incapable de ces économies, aura cessé de vivre.

Dans ses mémoires, Quincey, se livrant à des considérations pharmaceutiques, préviendra que l’opium dont il a usé, dix lustres durant, l’aura préservé d’une phtisie héréditaire.

Or, les Brontë ne respirent pas mieux que les Quincey, mais les Brontë, poètes, usent dangereusement de ce qu’ils aiment. Quincey, lui, n’oublie pas son Codex et au risque, préfère les médicaments. Grâce aux ordonnances et recettes littéraires, il édulcorera même le vitriol du crime. Et l’assassinat devient un des beaux-arts.

Les beaux-arts pour les messieurs. Les arts d’agrément pour les demoiselles. On va beaucoup parler de peinture en Angleterre où il est si rare qu’on sache tenir un pinceau. Mais, prenez un critique à systèmes et une jeune fille aquarelliste. Jetez-les au fond de la même marmite, laissez-les cuire dans leur jus, à petit feu et, d’ici vingt-cinq ans, lorsque vous soulèverez le couvercle, vous aurez une belle brochette de bas bleus et de chaussettes roses.

Prisme écœurant des esthètes à tout prix, des intellectuelles minaudières, œillets verts, orchidées naïvement vénéneuses, contorsion modern style, bois blanc peinturluré et, pour conclure, exposition des arts, qui de beaux, puis d’agrément, finissent par mourir décoratifs.

Mais le vent continue de hurler et de battre les hauts.



Leysin, 1929.




LAS HERMANAS BRONTË HIJAS DEL VIENTO


El sol no es el único que hace con éxito sus espejismos. La niebla, que metamorfosea en noviembre inglés un julio suizo, revela ser un mago igualmente bueno.
Así es como el gran sanatorio, amo de la tempestad geológica, en perfecto equilibrio en la cima de una ola rocosa, ese edificio, cuyos balcones aparejados con toldos y cuya impecable majestad recién pintada, encarnaban ya, en pleno buen tiempo, de la carabela al transatlántico, la idea general de navío, ha sabido aprovechar esta bruma para transformarse en algo más y mejor que un símbolo y emprender un viaje por entre los enigmas, no de montaña, sino de mar del norte.
Así es como se pierde hasta la noción de continente.
Nadie se atreve ya a imaginar, como fronteras del desierto líquido, esas playas que son las únicas que calman los pies de la inquietud.
La prisión de vapor polar, el presidio de opaco tedio, ¿quién intentaría, pues, escalar sus murallas?
No hay un optimismo que sea lo bastante vigoroso para esperar una isla siquiera rodeada por un Gulf Stream negativo y estremecida ante la invasión helada de los arenques.
El frío es siempre pez.
Pez paradójico, sin duda, si la estación simula ser verano, si las olas que lo mecen alcanzan una altitud de virtud medicinal, pero pez de todos modos y, aunque bastardo, con una medusa para servirle de madre y justificar su repugnante viscosidad.
Caramba, no todos pueden estar dotados de una franqueza septentrional, como enero, hijo de nácar báltico.
Ahora bien, aunque su nacimiento sea ilegítimo, el arlequín de escamas no puede dejar de tener un padre.
—Desconocido —diría el Registro Civil.
Y sin embargo, aquél que, sin brazos, ni piernas, ni alas, ni aletas, ni dientes, ni uñas, muerde, despelleja, en su andar invisible, las llanuras, más endurecidas por los siglos que por la carrera, las plantas casi minerales, de tanto ir descalzas, de los pies africanos, aquél que, surgido del nivel del mar, con una gracia ágil de mercurio a lo largo de un termómetro, trepa hasta lo más alto de las alturas terrestres, y lo muele como al yeso, el yeso de las lepras suburbanas, aquél que castigó en su cuerpo al universo y ha marcado su frente en forma de globo satisfecho, el inasible y soberano, ustedes, poco sutiles empleados de ayuntamiento, bien hubieran podido adivinar su nombre, el más hermoso de los nombres, puesto que se llama Viento.
Sin duda, gnomos redactores de registros, a ustedes esta filiación les parece algo extravagante, y porque trabajan desde hace años en el catálogo de las personas de buena gana se escandalizarían.
Un minuto, abran el diccionario y comprueben que el mismo y muy decente Pequeño Larousse reconoce que Júpiter para seducir a Leda, mujer de Tíndaro, tomó la forma de un cisne.
Y en primer lugar, consideren cuán ilusorias, desde la más remota antigüedad, resultaron ser las instituciones que se les confiaron a ustedes, y luego busquen las palabras (que no encontrarán) dignas de estigmatizar a esa mujerzuela que era tan perversa que el dios de los dioses eligió, en su vestidor olímpico, la apariencia de una hermosa ave el día en que quiso convertirse en su amante.
Bajo las blancas alas la dama cayó en un éxtasis tal que, nueve meses más tarde, nacieron Cástor y Pólux, los que, muchos milenios antes de las Dolly Sisters y otras conjunciones del music hall, deberían aparearse como estrellas, en el sentido si no americano al menos celeste, bajo el seudónimo de Géminis.
Ahora bien, pues, si un cisne procreó astros, ¿por qué, en consecuencia, no sería el frío hijo del Viento?


El Viento, en cambio, no tiene padre.

Ya que al principio era el Viento.

El Viento y no el Verbo.



Tres hijas de pastor corrigieron ellas mismas la mentira bíblica.
A la flamante verdad sometieron sus existencias.
No sin coraje, ya que vivieron en la más conservadora de las eras, quiero decir en la primera mitad del siglo XIX.
El sermoneador que le sirvió de padre a esta trinidad de amazonas, no debió prever, por cierto, bajo el signo de qué tempestuosa fatalidad ponía a su futura descendencia cuando, siendo muy joven, había idolatrado a los elementos y convertido el patronímico de Brontë porque, como señalan los biógrafos psicólogos y helenistas de aquella casta orgullosa, la palabra griega αστραπή significa trueno.
El retruécano derrotará a la palabra evangélica y, reducidas a la transparencia, las prácticas religiosas más ortodoxas de la iglesia de Inglaterra no prevalecerán contra las fuerzas naturales.
Aunque tengan sed de absoluto, en lo alto de su despiadado Yorkshire, aquellas cuya piel ha constado, con las miríadas de sus pequeños rizos, que sólo la lluvia sacia la del tormento de la frente, la de la impaciencia de las manos, ¿cómo aceptarían aún una religión de agua hervida?
Tienen necesidad de adorar, pero consagran el verdadero culto a la más alta voz de la tierra que no aulló en vano, con todo su salvajismo, alrededor de su casa.

Se abre la puerta del presbiterio y, ya desde el umbral, el huracán derrota al sayal que disfraza de puritanas a esas Veledas. El viento no se conforma con marcar esas carnes vírgenes. Descifra los secretos de sus sueños. El ardor de las hermanas no se dedica a ninguna criatura para afirmarse en ella. El delirio se amplifica con más fuerza al estar libre todo objeto humano. En el humo del cielo y de sus ojos brama un amor sin rostro y sin cuerpo.  Ya víctima el bebé rococó de alas entrometidas y ombligo pícaro, ya desinflado el inmundo chiquillo rollizo, ya desarmado el arquero de segunda clase, el amor no encuentra más su símbolo en la carne de las facilidades rosas y rubias. Huésped invisible, corredor cuyas zancadas no entorpece ninguna sombra, más ligero que un reflejo, más puro que la escarcha, si se digna tomar forma será zarza de llamas heladas, hijo del viento, como las tres hermanas, sus hermanas, será prisma de todos los fríos, ramo de peces crueles, cuchillitos que crecieron y que se agitan en los corazones fraternales mismos, los corazones todopoderosos que les confirieron la vida. Porque sus aletas son encajes de hierro, pelean mejor que los gallos. Una pecera cargada con toda su sangre pesa en los pechos angostos pero tan altivos, tan impacientes que nunca se dignaron darse tiempo para una auténtica, una larga respiración.
Esas mujeres se sofocan bebiendo el ciclón, emborrachándose con él.
Durante meses y meses se prolonga la dura fiesta, pero llegan los días templados, ninguna de ellas tres se digna retomar aliento, paladear la primavera ligera, y sin embargo tan falazmente grata a los pulmones heridos.


Ya que toda pasión desprecia la glotonería.
Emily, la mejor herida, la más genial, da un gran grito que desgarra los bosques.  El pájaro ronco, el hijo de su garganta en carne viva, desciende en vuelo arremolinado hasta aquellos a los que, allá abajo, protegen las ciudades, sus casas, sus convenciones.
Pero una capital olvida la tierra de la que nació. Pudibunda, administrativa, viste el suelo, su vientre, con un pavimento bien liso. Privada de contacto esencial puesto que están enguantados de cuero los pies que acarician su ropa mineral, el alma londinense, el alma colectiva de Inglaterra, es un producto manufacturado.
Sólo en las cumbres de Yorkshire el viento se ha hecho carne,

el viento ha aullado,

el viento ha golpeado.
Pero en las ciudades cercadas de fábricas, de respectabilidad, todo es el silencio, todo es lástima.
Siglo XIX. Se cree en el progreso porque la hipocresía viaja en tren, se alumbra con gas. “Tiempos difíciles”, deberá constatar sin embargo Dickens, pero lloriquear está lejos de ser suficiente y, a pesar de las quejas descriptivas, el sueño sigue hiriéndose contra las esquinas de la mentira. Hay arquitecturas, irrisorias sin embargo, que logran acorralar el débil rebaño de las voluntades. La ola de ladrillos, los torrentes de antracita, el río de egoísmo, conjugados a raudales, afluyen, aplastan las últimas débiles y pequeñas revueltas.
Resignación, pero ésta es color de porridge nacional, ni siquiera gris, ni siquiera isabela, del nombre de aquella archiduquesa que, fiel a su voto, no se cambió de blusa durante los tres años en los que su esposo puso sitio a Ostende.
Gracias al cocktail de todas esas mugres, se vuelven aún más inexorable la púrpura venosa y más profundo el índigo arterial de la sangre no subyugada.



Hermanas Brontë, del nacimiento a la muerte ustedes no han conocido más realidad que la de sus sueños impetuosos. Pero ahora sus vidas, libres de toda anécdota, casi un siglo más tarde, se amplifican hasta convertirse en símbolo.
El perro de Emily pastorea el rebaño de sus ciervos voladores (nota nº1), pero sí, ciervos que ya no son metafóricos y vuelan, en serio, de verdad, entre las nubes donde el niño ve galopar el león, el lobo, la gacela.
Hijas de un clérigo, ustedes no han perdido esa inocencia pagana con la que el masoquismo judaico hizo el pecado original.
Los vestidos negros, el pensionado cruel, el armonio, el culto en el templo demasiado bien encerado, el frío piso de baldosas a manera de entablado, y todas las maldades de una religión amenazadora declamadas como sermones en su casa misma, nada ha derrotado sus corazones libres.
Y ése es el verdadero milagro.
Con los ojos cerrados, siguen ustedes las espirales en pleno cielo, los arcos de vértigo de un astro a otro, el más pálido reflejo de los cuales sobre el suelo cotidiano enceguecería a las otras criaturas.
Las Brontë, trueno y viento, respetan la flora y la fauna turbulentas a las que alimentaron sus sueños.
No cortan ninguna flor, no arrancan ninguna pluma para adornarse.
Saben lo que tendrían de sacrílegas tan mezquinas coqueterías.
No son sombrereras.
Y además todos los vanos trofeos, de tanto colgar de las paredes, tan pronto se transforman en ropa vieja.


El hermano, Patrick Branwell, enviado al principio a Londres como brillante explorador, y que, después de mil locuras, abusos, fracasos, de pronto sentó cabeza, al menos en apariencia, como preceptor en una respetable familia, no se sentirá contrariado cuando las voluptuosidades apacibles que le dispensa generalmente la madre de sus alumnos se vean interrumpidas por los celos del marido.
Vuelve a su Yorkshire.


Una ramera borracha que, desde su acera profesional, canta:

“Mi sol son los faroles de gas”, no pone ninguna mentira poética en esta afirmación.

¿De qué otro astro, pues, podría en efecto acordarse la virgen loca de los arrabales? Duerme mientras hay luz, y los carteles luminosos han matado a la luna. Ya sólo hay estrellas en invierno, cuando acaba de pasar el farolero.
Es así como el joven inglés, de clásicos rizos amarillos del siglo XIX, durante su pasaje por los talleres de Chelsea, por el alcohol y las drogas cambió los elementos con los que se habían embriagado sus primeros años, en las colinas del norte.
Pero no ha habido traición.
Sigue siendo fiel a su fatalidad.
Desconoce la puesta en escena de los paraísos artificiales.
Este adolescente, decretado genial por los suyos, pintor y poeta desdeñoso de cuadros y versos, volvió, pues, harto de carne, de bebidas destiladas y fermentadas, de opio, y seguirá entregándose a todo tipo de excesos. Sus hermanas, las vírgenes ebrias de la única tempestad, no se escandalizarán por tan poco.
¿Vicios y virtudes?
De un ser, ellas lo saben, sólo cuenta el eco flamígero que lo duplica.
Ni la vida a la sombra del templo, ni los cortos viajes al país de los hombres las han opacado con prejuicios pudibundos.
Charlotte, la miope, se enamoró de un mezquino maestro de escuela.
Más sabionda que las otras dos, la pasión, sin embargo, no la desembarazará de ese delirio rebuscado tan propio de los bebedores y bebedoras de tinta. El pedante regordete sólo habrá sido, en suma, para la maestrita, un pretexto para la más hermosa de las citas.
La cita consigo misma.
Al igual que sus hermanas, Patrick Branwell no faltará a ella.
El cuarteto escapa a la mentira que persigue a la humanidad vulgar hasta en los más secretos repliegues de sus intemperancias extasiadas, de sus amores y de su inconsciente.
Ya que no sólo existe la mentira de la vida cotidiana.
Cuestión de ritmos y de grados, contraste formal y no de esencias en las diversas maneras que tienen los hombres de transigir  con sus pensamientos, sus estados de ánimo. Nada más teatral que las frases zigzagueantes de ciertas borracheras, las declaraciones de amantes muy enamorados y las perspectivas de pesadillas empero innegables.
Quizás pueda objetarse que, ya que lo propio de ciertos seres es lo teatral, éstos no traicionan su naturaleza si, como ellos, bajo el imperio de una emoción, de un impulso, se deforma, se amplifica la insinceridad que constituye su fondo.
Pero justamente amamos, elogiamos a los Brontë, porque los hemos imaginado desdeñosos de esos harapos que los demás, a fuerza de disfrazarse con ellos, toman por los jirones de su propia carne.



A Patrick Branwell le gusta el whisky, el jugo de amapolas, con la misma imprudencia con que a Emily le gusta el viento.
En Londres los escritores civilizados, De Quincey, Coleridge, tienen los mismos gustos. Pero ellos pesan, dosifican, porque no quieren morirse, ni siquiera a causa de sus hermosos, de sus queridos venenos.
A los treinta y un años, Patrick Branwell, incapaz de estos ahorros, habrá dejado de vivir.
En sus memorias, De Quincey, librándose a consideraciones farmacéuticas, informará de que el opio, que usó durante diez lustros, lo preservó de una tisis hereditaria.
Ahora bien, los Brontë no respiran mejor que De Quincey, pero los Brontë, poetas, emplean peligrosamente lo que les gusta. De Quincey, en cambio, no olvida el vademécum y, antes que correr riesgos, prefiere los medicamentos. Gracias a las recetas y a las fórmulas literarias, edulcorará hasta el vitriolo del crimen. Y el asesinato se convierte en una de las bellas artes.
Las bellas artes para los caballeros. Las artes de esparcimiento para las señoritas. Se va a hablar mucho de pintura en Inglaterra, donde es tan raro que alguien sepa manejar un pincel. Pero tómese un crítico pertrechado con sus teorías y una muchacha acuarelista. Écheselos en la misma olla, déjeselos cocinar en su jugo, a fuego lento, y, al cabo de veinticinco años, cuando se levante la tapa, se obtendrá una hermosa brochette de calzas azules (nota nº2) y de calcetines rosas.
Prisma empalagoso de los estetas a cualquier precio, de las intelectuales melindrosas, claveles verdes, orquídeas ingenuamente venenosas, contorsión modern style, madera blanca pintarrajeada y, para concluir, exposición de artes que, de bellas, y luego de esparcimiento, acaban por morir decorativas.
Pero el viento sigue aullando y sacudiendo las cumbres.


Leysin, 1929.

1) Cerf-volant, en francés, cometa, pandorga, barrilete.
2) Bas bleus, calzas azules, Blue stockings, nombre peyorativo, de origen inglés, para designar a las mujeres sabias y pedantes.