miércoles, 15 de mayo de 2013

Charles Nodier: La monja sangrienta




LA NONNE SANGLANTE


Un revenant fréquentait le château de Lindemberg, de manière à le rendre inhabitable. Apaisé ensuite par un saint homme, il se réduisit à n'occuper qu'une chambre, qui était constamment fermée. Mais tous les cinq ans, le cinq de mai, à une heure précise du matin, le fantôme sortait de son asile.

C'était une religieuse couverte d'un voile, et vêtue d'une robe souillée de sang. Elle tenait d'une main un poignard, et de l'autre une lampe allumée, descendait ainsi le grand escalier, traversait les cours, sortait par la grande porte, qu'on avait soin de laisser ouverte, et disparaissait.

Le retour de cette mystérieuse époque était près d'arriver, lorsque l'amoureux Raymond reçut l'ordre de renoncer à la main de la jeune Agnès, qu'il aimait éperduement.

Il lui demanda un rendez-vous, l'obtint, et lui proposa un enlèvement. Agnès connaissait trop la pureté du coeur de son amant, pour hésiter à le suivre: «C'est dans cinq jours, lui dit-elle, que la nonne sanglante doit faire sa promenade. Les portes lui seront ouvertes, et personne n'osera se trouver sur son passage. Je saurai me procurer des vêtemens convenables, et sortir sans être reconnue; soyez prêt à quelque distance….» Quelqu'un entra alors et les força de se séparer.

Le cinq de mai, à minuit, Raymond était aux portes du château. Une voiture et deux chevaux l'attendaient dans une caverne voisine.

Les lumières s'éteignent, le bruit cesse, une heure sonne: le portier suivant l'antique usage, ouvre la porte principale. Une lumière se montre dans la tour de l'est, parcourt une partie du château, descend….. Raymond apperçoit Agnès, reconnaît le vêtement, la lampe, le sang et le poignard. Il s'approche; elle se jette dans ses bras. Il la porte presque évanouie dans la voiture; il part avec elle, au galop des chevaux.

Agnès ne proférait aucune parole.

Les chevaux couraient à perte d'haleine; deux postillons, qui essayèrent vainement de les retenir, furent renversés.

En ce moment, un orage affreux s'élève; les vents sifflent déchaînés; le tonnerre gronde au milieu de mille éclairs; la voiture emportée se brise…. Raymond tombe sans connaissance.

Le lendemain matin, il se voit entouré de paysans qui le rappelent à la vie. Il leur parle d'Agnès, de la voiture, de l'orage; ils n'ont rien vu, ne savent rien, et il est à dix lieues du château de Lindemberg.

On le transporte à Ratisbonne; un médecin panse ses blessures, et lui recommande le repos. Le jeune amant ordonne mille recherches inutiles, et fait cent questions, auxquelles on ne peut répondre. Chacun croit qu'il a perdu la raison.

Cependant la journée s'écoule, la fatigue et l'épuisement lui procurent le sommeil. Il dormait assez paisiblement, lorsque l'horloge d'un couvent voisin le réveille, en sonnant une heure. Une secrète horreur le saisit, ses cheveux se hérissent, son sang se glace. Sa porte s'ouvre avec violence; et, à la lueur d'une lampe posée sur la cheminée, il voit quelqu'un s'avancer: C'est la nonne sanglante. Le spectre s'approche, le regarde fixement, et s'assied sur son lit, pendant une heure entière. L'horloge sonne deux heures. Le fantôme alors se lève, saisit la main de Raymond, de ses doigts glacés, et lui dit: Raymond, je suis à toi; tu es à moi pour la vie. Elle sortit aussitôt, et la porte se referma sur elle.

Libre alors, il crie, il appelle; on se persuade de plus en plus qu'il est insensé; son mal augmente, et les secours de la médecine sont vains.

La nuit suivante la nonne revint encore, et ses visites se renouvellèrent ainsi pendant plusieurs semaines. Le spectre, visible pour lui seul n'était apperçu par aucun de ceux qu'il faisait coucher dans sa chambre.

Cependant Raymond apprit qu'Agnès, sortie trop tard, l'avait inutilement cherché dans les environs du château; d'où il conclut qu'il avait enlevé la nonne sanglante. Les parens d'Agnès, qui n'approuvaient point son amour, profitèrent de l'impression que fit cette avanture sur son esprit, pour la déterminer à prendre le voile.

Enfin Raymond fut délivré de son effrayante compagne. On lui amena un personnage mystérieux, qui passait par Ratisbonne; on l'introduisit dans sa chambre, à l'heure où devait paraître la nonne sanglante. Elle le vit et trembla; à son ordre, elle expliqua le motif de ses importunités: religieuse espagnole, elle avait quitté le couvent, pour vivre dans le désordre, avec le seigneur du château de Lindemberg: infidèle à son amant, comme à son Dieu, elle l'avait poignardé: assassinée elle-même par son complice qu'elle voulait épouser; son corps était resté sans sépulture et son âme sans asyle errait depuis un siècle. Elle demandait un peu de terre pour l'un, des prières pour l'autre. Raymond les lui promit, et ne la vit plus.

CHARLES NODIER



LA MONJA SANGRIENTA 

Un fantasma solía aparecerse en el castillo de Lindemberg, volviéndolo inhabitable. Más tarde, aplacado por un santo varón, se limitó a ocupar un solo cuarto, que permanecía cerrado. Pero cada cinco años, el cinco de mayo, a la una en punto de la madrugada, el fantasma salía de su encierro.

Era una religiosa cubierta por un velo y vestida con un hábito manchado de sangre. Llevando un puñal en una mano y una lámpara encendida en la otra, bajaba la escalinata, cruzaba los patios, salía por la puerta principal, que se dejaba siempre abierta, y desaparecía.

Aquel momento misterioso ya estaba acercándose, cuando el enamorado Raymond recibió orden de renunciar a la mano de la joven Agnès, a la que amaba locamente.

Le pidió una cita, la obtuvo y le propuso raptarla. Agnès conocía sobradamente la pureza del corazón de su amante como para dudar en seguirlo:

Faltan cinco días —le dijo— para que la monja sangrienta dé su paseo. Le abrirán las puertas y nadie se atreverá a cruzársele en el camino. Yo sabré cómo conseguir ropas apropiadas y salir sin que me reconozcan. Trata de estar listo no muy lejos de allí...

En ese momento entró alguien y se vieron obligados a separarse.

El cinco de mayo, a la medianoche, Raymond se hallaba en las puertas del castillo. Un coche y dos caballos lo esperaban en una caverna cercana.

Las luces se apagan, cesa el ruido, el reloj da la una: el portero, siguiendo la antigua costumbre, abre la puerta principal. En la torre del este aparece una luz, recorre una parte del castillo, desciende... Raymond ve a Agnès, reconoce la ropa, la lámpara, la sangre y el puñal. Se acerca; ella se le arroja en los brazos. La lleva al coche casi desvanecida; salen juntos, con los caballos al galope.

Agnès no pronunciaba una sola palabra.

Los caballos corrían hasta quedarse sin resuello; dos postillones que en vano intentaron retenerlos fueron a dar al suelo.

En ese momento se levanta una tormenta espantosa; el viento sopla con furia; el trueno ruge en medio de mil relámpagos; el coche, fuera de control, se destroza... Raymond cae desmayado.

A la mañana siguiente despierta en medio de campesinos que tratan de reanimarlo. Les habla de Agnès, del coche, de la tormenta: no han visto nada, no saben nada, y él se encuentra a diez leguas del castillo de Lindemberg.

Lo llevan a Ratisbona; un médico le cura las heridas y le recomienda reposo. El joven enamorado ordena mil búsquedas inútiles y hace cientos de preguntas que nadie puede responder. Todos creen que ha perdido la razón.

Mientras tanto, pasa el día, el cansancio y el agotamiento le traen el sueño. Estaba durmiendo de manera bastante tranquila cuando el reloj de un convento cercano, que da la una, lo despierta. Un secreto horror se apodera de él, se le eriza el pelo, se le hiela la sangre. La puerta se abre violentamente y, a la luz de una lámpara que está encima de la chimenea, ve a alguien que avanza hacia él: es la monja sangrienta. El espectro se le acerca, le clava los ojos y se sienta en la cama una hora entera. El reloj da las dos. Entonces el fantasma se levanta, le agarra la mano a Raymond con sus dedos helados y le dice: “Soy tuya, Raymond, y tú eres mío para toda la vida”. Y en seguida sale y la puerta se cierra tras ella.

Viéndose libre, Raymond grita, llama; todos se convencen cada vez más de que no está en sus cabales; su estado empeora y los auxilios de la medicina son inútiles.

La monja volvió a la noche siguiente, y sus visitas se repitieron de ese modo por varias semanas. El espectro, al que no percibía ninguno de los que, por orden del joven, se acostaban en su cuarto, era visible sólo para él.
Mientras tanto, Raymond se enteró de que Agnès había salido demasiado tarde y lo había buscado en vano por los alrededores del castillo, por lo que dedujo que había raptado a la monja sangrienta. Los padres de Agnès, que desaprobaban su amor, aprovecharon la impresión que produjo esta aventura en su ánimo para que se decidiese a tomar los hábitos.

Finalmente, Raymond fue liberado de su aterradora compañera. Llevaron hasta él a un personaje misterioso que estaba de paso en Ratisbona, introduciéndolo en la habitación a la hora en que debía aparecer la monja sangrienta. Ésta lo vio y se puso a temblar; tras una orden de aquél, explicó el motivo de sus importunas apariciones: era una religiosa española que había abandonado el convento para llevar una vida desordenada con el señor del castillo de Lindemberg; infiel a su amante, como a su Dios, lo había apuñalado; asesinada a su vez por su cómplice, con el que quería casarse, su cuerpo había permanecido insepulto y su alma desamparada erraba desde hacía un siglo. Pedía un poco de tierra para el uno y oraciones para la otra. Raymond le prometió ambas cosas y ya no la volvió a ver.